Les défis liés aux changements climatiques couplés au besoin des autorités nigériennes d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population qui croît de façon vertigineuse, exige l’utilisation d’intrants agricoles de qualité. L’utilisation des semences de qualité constitue le plus important maillon de la chaîne de production agricole auquel l’efficacité des autres intrants (engrais, pesticides) est tributaire. Au vu de la porosité de nos frontières, des semences de tout genre entrent sur le territoire national et de façon non contrôlée. A cela s’ajoute l’érosion de la biodiversité et la concurrence extérieure déloyale qui pèsent sur nos « variétés traditionnelles » (« ou écotypes locaux ») sélectionnées in situ durant des décennies par nos vaillantes populations.
Afin d’assurer que les semences utilisés au Niger soient de bonnes qualité, les autorités nigériennes ont ratifié plusieurs textes à l’échelle internationale. Elles ont également élaboré une politique semencière en décembre 2012 puis une loi semencière suivie d’un arsenal juridique constitué d’au moins 9 arrêtés.
Cadre institutionnel et législatif du secteur semencier au Niger
Le Niger règlemente son secteur semencier à travers plusieurs politiques, lois et arrêtés à l’échelle nationale. Le pays a également ratifié plusieurs accords juridiques régionaux et internationaux relatifs à la promotion du secteur semencier.
Conventions et règlements internationaux
Conventions internationales
Le Niger a ratifié ou signé plusieurs instruments juridiques internationaux relatifs à la promotion du secteur semencier. il s’agit de :
- la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) visant principalement à la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable des ressources génétiques ;
- la Convention Internationale de la Protection des Végétaux (CIPV) ;
- le traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA) sur la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation en harmonie avec la CDB ;
- la Convention Phytosanitaire Interafricaine de l’Union Africaine (CPI/UA) ;
- le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatifs à la Convention sur la Diversité Biologique, notamment la dissémination des Organismes Génétiquement Modifiés ou OGM ;
- le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la CDB ;
- l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).
Règlementions sous-régionales
A l’échelle sous-régionale, il y a 2 principaux cadres législatifs réglementant le secteur semencier qui concernent le Niger. Ce sont :
Le Règlement C/Reg. 04/05/2008 qui est la Réglementation commune aux Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce cadre législatif dresse les règles gouvernant l’harmonisation du secteur semencier dans l’espace communautaire.
Le Règlement n°03/2009/CM/UEMOA relatif a l’harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences dans les pays l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Cadre législatif au Niger
La Constitution du 25 novembre 2010 est la référence majeure en matière de droit et devoir de la personne humaine et de l’élaboration des politiques de développement économique, social et culturel.
Il est précisé dans article 12 que : « Chacun a droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation et à l’instruction dans les conditions définies par la loi. L’Etat assure à chacun la satisfaction des besoins et services essentiels ainsi qu’un plein épanouissement. Chacun a droit à la liberté et à la sécurité dans les conditions définies par la loi. »
Dans son article 146 il est dit que « l’action de l’État en matière de politiques de développement économique et social est soutenue par une vision stratégique. L’État fait de la création des richesses, de la croissance et de la lutte contre les inégalités un axe majeur de ses interventions. Les politiques publiques doivent promouvoir la souveraineté alimentaire, le développement durable, l’accès de tous aux services sociaux ainsi que l’amélioration de la qualité de vie. »
Cadre règlementaire au Niger
Pour mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles et conformément à la réglementation sous régionale, les autorités nigériennes ont adopté un arsenal législatif et règlementaire (Loi et Arrêtés d’application) relatif à la filière semencière. Il s’agit de :
- La Loi n°2014-67 du 5 novembre 2014 complétant le Règlement C/Reg. 04/05/2008 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO ;
- L’ordonnance n°96-008 du 21 mars 1996 portant loi phytosanitaire.
La loi n°2014-67 a pour objet de compléter le Règlement C/Reg. 04/05/2008. D’ores et déjà, une liste d’au moins 9 arrêtés prévus par la loi d’application du règlement de la CEDEAO est disponible :
Arrêté n° 121/MAG/DGA du 16 septembre 2014 portant création, attribution, organisation et fonctionnement du Comité National des Semences Végétales et plants (Article 7 de la loi n°2014-67) ;
Arrêté n° 122/MAG/DGA du 16 septembre 2014 instituant un Catalogue National des Espèces et Variétés Végétales ou CNEV (Article 9) ;
Arrêté n° 123/MAG/DGA du 16 septembre 2014 instituant les documents administratifs dans le cadre du contrôle et de la certification des semences des espèces végétales et plants ;
Arrêté n° 124/MAG/DGA du 16 septembre 2014 portant adoption des règlements techniques annexes relatifs aux règles régissant le contrôle de qualité et la certification des semences des espèces végétales et plants ;
Arrêté n° 074/MAG/EL/DGA du 30 mai 2016 portant nomination des Inspecteurs Semenciers ;
Arrêté n° 186/MAG/EL/DGA du 24 octobre 2016 modifiant et complétant l’Arrêté n° 074/MAG/EL/DGA du 30 mai 2016 portant nomination des Inspecteurs Semenciers ;
Arrêté conjoint n° 214/MAG/EL/DGA du 11 novembre 2016 portant règle régissant l’obtention d’agrément pour la commercialisation des semences des espèces végétales et plants ;
Arrêté conjoint n° 215/MAG/EL/DGA du 11 novembre 2016 fixant les taux et les modalités d’acquittement et de perception des taxes et redevances dans le cadre du contrôle de la certification et de la commercialisation des semences des espèces végétales et plants ;
Arrêté n° 197/MAG/DGA du 28 septembre 2015 modifiant et complétant l’Arrêté n° 121/MAG/DGA du 16 septembre 2014 portant création, attribution, organisation et fonctionnement du Comité National des Semences Végétales et plants (CNS).
Institutions chargées de la question semencière
Au Niger, c’est le ministère en charge de l’Agriculture qui est chargé d’élaborer et mettre en œuvre les politiques du gouvernement dans les domaines de l’Agriculture et du Développement rural. Afin d’assurer que les semences utilisés au Niger soient de bonne qualité, le ministère en charge de l’Agriculture à travers la Direction Générale de l’Agriculture (DGA) et en collaboration avec d’autres services compétents dans les autres ministères, est chargée de :
- contrôle de qualité et de la certification des semences des espèces végétales et plants ;
- contrôle à l’importation et à l’exportation des semences des espèces végétales et plants sur le territoire national.
La DGA possède en son sein la Structure Officielle de Contrôle et de Certification des Semences (SOCCS).
Structure Officielle de Contrôle et de Certification des Semences
La fonction principale de la SOCCS est de s’assurer de la qualité des semences produites et commercialisées sur toute l’étendue du territoire. En outre, elle veille au respect de la législation et de la réglementation semencière. Cette structure a pour attributions de :
- assurer le secrétariat du Comité National des Semences Végétales et plants (CNS) ;
- exercer les activités de contrôle et de certification des semences ;
- veiller au respect de la législation semencière ;
- réaliser les analyses de la qualité des semences et plants ;
- faire réaliser les analyses des semences par l’intermédiaire des laboratoires agréés. Il s’agit ici des analyses dont elle n’a pas les compétences ou pour lesquelles il est requis une contre-expertise ;
- assurer pour le compte du CNS, la gestion technique du catalogue national des espèces et variétés homologuées ;
- tenir à jour les fichiers des établissements et opérateurs agréés pour la commercialisation des semences et plants ;
- mettre à jour les statistiques relatives à l’ensemble des activités semencières du pays ;
- instruire les dossiers d’accréditation des laboratoires d’analyse et d’essais des semences ;
- assurer la formation des acteurs en matière de respect des conditions et exigences de la production semencière, à tous les niveaux ;
- créer des représentations en cas de besoin ;
- servir d’interlocuteur aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale pour toutes les activités techniques relatives aux domaines de contrôle et de certification des semences
La SOCCS travaille en partenariat avec plusieurs institutions étatiques et privées notamment :
- les Institutions de Recherche comme l’Institut National de Recherche agronomique du Niger (INRAN), les universités, les centres de recherche (ICRISAT) ;
- les institutions de contrôle et normalisation telles que la Direction de la Protection des Végétaux (DGPV), la Direction de la Normalisation, Direction de l’Innovation et de la Propriété Intellectuelle ;
- les privés notamment les associations des producteurs et autres opérateurs privés assurant la multiplication et la commercialisation des semences.
Organes et instruments de gestion des semences au Niger
Conformément aux exigences des réglementations communes, notamment le Règlement C/Reg. 04/05/2008 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO et le Règlement n°03/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’UEMOA, Il est créé à travers la loi n°2014-67, un Comité National des Semences végétales et plants (CNS). Le CNS est l’organe chargé de réguler l’utilisation des semences végétales et plants au plan national.
Impact de la loi n°2014-67 sur la biodiversité
La loi semencière nationale a prévu de sécuriser nos ressources phytogénétiques ancestrales sélectionnées depuis des générations par les vaillantes populations. En ce qui concerne les variétés dites « traditionnelles » (ou écotypes locaux) qui représentent un réservoir de gènes d’importance économique certaine, il est admis que celles-ci appartiennent aux communautés dont les membres peuvent s’en servir selon leurs besoins sans remplir les critères pour l’octroi du droit à la protection. Cette loi exclue également de son d’application les Organismes Génétiquement Modifiés ou OGM qui présentant des risques inhérents sur la diversité biologique nationale.
Perspectives sur la gestion des pesticides au Niger
Le règlement CEDEAO, la loi nationale qui le complète et la politique semencière constituent la cheville ouvrière en matière de réglementation semencière au Niger. Le règlement communautaire est la base de toute la réglementation et la loi nationale ne doit en aucun cas entrer en contradiction lui. Ainsi, la loi n° 2014-67 le complète pour les dispositions qu’il a prévues pour être prises par les Etats et celles leurs propres.
Il faut noter qu’au Niger, en plus de la mise en place la politique semencière nationale, des efforts importants sont en train d’être consentis par les services techniques de l’agriculture notamment en matière d’élaboration de textes juridiques et règlementaires et de leur mise en applications. Depuis 2010, un annuaire des variétés (dont celui de 2017) est produit chaque année au Niger. Ce document comporte des centaines de variétés mais seulement 101 figure sur Catalogue Régional des Espèces et Variétés Végétales de la CEDEAO-UEMOA-CILSS (soit environ 7%). En outre, il existe une gamme importante de semences (surtout pour les cultures maraîchères) dont on ignore encore l’origine qui inondent le marché national.
Quelques références citées
CEDEAO, 2008. Règlement C/Reg. 04/05/2008 du 18 mai 2008 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO. Journal officiel de mai 2008 de la CEDEAO, 53, 14-33.
Diallo B. & al., 2015. Revue de la politique régionale sur les intrants. Rapport de synthèse, n° West Africa JSR-2015-3.
Ministère de l’Agriculture, 2014. La Loi n°2014-67 du 5 novembre 2014 complétant le Règlement C/Reg. 04/05/2008 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO.
Ministère de l’Agriculture, 2012. Politique semencière nationale (PSN-Niger). Rapport d’activité.
UEMOA, 2009. Règlement n°03/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’UEMOA.