Scope
Le fipronil est un pesticide à large spectre utilisé pour combattre les insectes et les acariens. Il agit sur l’insecte en perturbant son système nerveux en bloquant les canaux chlorures dépendant du GABA (acide gamma-aminobutyrique en français) et du Glutamate qui régulent le passage des ions chlorures dans la cellule. Ceci provoque une hyperexcitation des systèmes nerveux et musculaire de l’insecte intoxiqué qui meurt par crampes musculaires.
L’usage du fipronil sur les cultures et les animaux destinés à l’alimentation est interdit ou limité dans beaucoup de pays dans le monde notamment ceux de la zone CILSS (Comité permanent Inter-Etats de Lutte Contre la Sécheresse au Sahel) et de l’Union Européenne. Malgré l’interdiction du fipronil depuis avril 2015 par le CSP (Comité Sahélien des Pesticides) à cause de sa toxicité, les pesticides contenant cette substance continuent de circuler sur le sol nigérien.
Qu’est-ce que le fipronil?
Le fipronil (C12H4Cl2F6N4OS) est une matière active qui appartient à la famille des Phénylpyrazoles. Il tue les insectes qui le mange ou qui entre en contact avec lui. Cette substance agit par contact ou ingestion sur les insectes et les acariens ravageurs des cultures et sur les parasites des animaux de compagnies (chiens et des chats).
Le fipronil a été mis au point par la société Rhône Poulenc à la fin des années 1980 mais sa commercialisation a commencé à partir de 1993. Aujourd’hui c’est le géant allemand de la chimie BASF qui détient le brevet pour la commercialisation du produit en Europe.
Utilisation dans d’autres pays du monde
Le fipronil est utilisée pour combattre les insectes et les acariens en agriculture, élevage, dans le traitement des semences et du sol ainsi que pour utilisation domestique.
En agriculture, il est utilisé pour combattre les criquets, les thrips, les lépidoptères et les coléoptères. Il est aussi appliqué pour les traitements des semences et du sol (contre les termites). Le fipronil est également utilisé dans le domaine vétérinaire dans de nombreux produits antiparasitaires pour les animaux (anti-puces et anti-tiques pour chiens et chats) et pour usage domestique contre les termites, les fourmis et les cafards. Les pesticides contenant la matière active fipronil continuent d’être commercialisés sous plusieurs noms dans plusieurs pays dans le monde.
Accusé de provoquer la mortalité des abeille, les organisme aquatiques comme les poissons et certains oiseaux, l’usage du fipronil est limité ou interdit sur les cultures et les animaux destinés à l’alimentation humaine dans beaucoup de pays notamment ceux de la zone CILSS (Décision n° 006/MAE-MC/2015) et de l’Union européenne dont la France (depuis 2005). Toutefois, il reste autorisé pour usage limité dans des pays comme la Belgique et les Pays-Bas, ainsi que de nombreux autres pays dans le monde, dont les Etats-Unis pour usages vétérinaires ou comme insecticide dans le traitement des semences.
Malgré les restrictions, ce produit reste utilisé dans certains pays pour lutter contre le pou rouge dans les élevages de la volaille. C’est ce qui est à la base de la récente crise des œufs contaminés qui est apparue en Europe en août 2017.
Le fipronil est-il présent au Niger ?
Avant son interdiction dans les pays de la zone CILSS (le Niger compris), le fipronil est principalement utilisé dans lutte anti acridienne. Malgré l’interdiction par le CSP, les produits contenant cette matière active continus d’être utilisés au Niger. Ainsi, le fipronil est commercialisé sous la marque Fipro Force®, fabriquée par une société nigériane (République Fédérale du Nigéria) du nom de JUBAILI AGROTECH.
Cette société présente le pesticide comme un produit miracle capable de tuer tous les insectes. Ainsi selon les prescriptions sur l’étiquette, le produit peut être utilisé contre presque tous les insectes ravageurs des cultures maraichères (tomate, oignon, choux, …), des cultures pluviales (mil, sorgho, maïs, coton, riz, …), en arboriculture (agrumes, café, …) et pour le traitement du sol contre les termites.
Doit-on s’inquiéter de la présence du fipronil dans nos aliments ?
L’OMS classe le fipronil parmi les pesticides modérément dangereux pour l’homme. Il n’a pas d’effet cancérogène prouvé, mais le produit peut provoquer, à des doses élevées, des troubles neurologiques et des vomissements, surtout en cas d’ingestion volontaire. Ainsi, une exposition à une dose très faible ne devrait pas être nocive. En dehors de ces cas, les effets produits ne surviennent qu’en cas d’exposition répétée, ce qui est normal. Dans tous les cas, les effets ne durent pas longtemps parce que la substance est rapidement éliminée donc elle ne s’accumule pas au fil du temps dans l’organisme humain. En outre, les effets du fipronil sont généralement transitoires c’est-à-dire réversibles.
Ainsi, il n’y pas d’éléments indiquant que l’exposition au fipronil constituait un risque pour la santé humaine dans les conditions préconisées d’emploi. L’union européenne estime qu’il n’y a aucun risque pour le consommateur qui ingère moins de 0,009 mg/kg au cours d’un repas ou d’une journée. Cela équivaut à 0,54 mg pour une personne pesant 60 kg, soit environ huit des œufs présentant la plus forte concentration (< 1,2 mg/kg).
Dans le cas de la crise des œufs contaminés, le risque d’empoisonnement est très faible, au vu des concentrations retrouvées dans les œufs. De ce fait, le retrait des œufs des marchés n’est qu’un principe de précaution destiné à rassurer les consommateurs sur la sureté de leur alimentation plutôt que pour protéger leur santé.
Questions à se poser sur l’interdiction du fipronil
(i) Le produit est-il vraiment toxique quand on l’utilise à faible dose dans les conditions recommandées ?
(ii) Les données toxicologiques fournies par CSP sont-elles suffisantes pour interdire le produit surtout quand on sait que le fipronil se dégrade rapidement et il ne s’accumule ni dans l’organisme humain ni dans les eaux souterraines et encore moins dans le sol ?
(iii) L’une des questions qui méritait encore d’être posée, c’est pourquoi le CSP a interdit toute utilisation de ce produit dans les Etats membres du CILSS alors que l’usage de la substance n’est que limité dans certains pays y compris ceux de l’UE et aux USA ?
(iv) La gamme de produits de substitution dont parlait le CSP est-elle suffisante et uniformément bien répartie dans les Etats membres ? Difficile à répondre dans les conditions nigériennes.
Il faut noter que les produits alternatifs mentionnés dans l’Annexe à la décision d’interdiction du fipronil par le CILSS sont pour la plupart des organophosphorés et des pyréthrinoïdes, des substances qui sont utilisées depuis longtemps et les insectes en ont développés des résistances.
Simple avis, à vous de juger…
Rédigé par Salifou Aminou, CSAN Niger/Bioengineering and Agri-Business Consulting